8/26/2008

ode (odd)

Aujourd'hui, je me jette à l'eau.
Aujourd'hui, je vous fait part d'un texte que j'ai écrit hier soir.
Evidemment, sur les chevaux, ce qui m'inspire le plus.
Soyez indulgent, c'est la première fois que je les montre à quelqu'un (même Raoul il sait pas qu'il m'arrive d'écrire des fois)

Pour le vocabulaire technique :
encolure = cou du cheval
un droit = un obstacle avec une rangée de barres
un oxer = un obstacle avec deux rangées de barres
un triple = trois obstacles à la suite, espacés de 2 puis une foulée de galop en général.
un double = deux obstacles à la suite, espacés en général d'une ou deux foulées de galop.
tenir la tête haute = remonter la tête, car lorsqu'un cheval baisse la tête à l'abord d'un obstacle, c'est qu'il ne va pas sauter (refus ou dérobade).
obstacle regardant = un obstacle avec pleins de couleurs, des fleurs, des trucs voyants qui font "peur" au cheval (oui, vous avez bien lu : peur)
une faute = une barre qui tombe (ou plusieurs, tant que c'est le même obstacle)
précéder = se pencher en avant avant que le cheval a commencé à sauter. Ca le déséquilibre et entraîne des refus, ou des fautes.
passer fort son dos = tendre bien son dos au dessus de l'obstacle, pour porter correctement le cavalier.

Et maintenant, l'oeuvre.



Mon cheval

Mon cheval.
Je suis collée à toi, je respire ton odeur.
Mes mains glissent le long de ton dos et de ton encolure.
Ressentant chacun de tes muscles, ressentant ta force, ressentant ta puissance.
Tu te retournes et me souffle dessus, comme tu aimes à le faire.
Tu recherches une carotte ou un morceau de pain.
En attendant, je me réchauffe contre toi.
Ta chaleur m’envahit.


Dans quelques dizaines de minutes, nous partons sur notre tour d’obstacle, le dernier de l’année. Nous sommes aux championnats. Nous avons nos chances pour réussir.
Mais même si nous ne réussissons pas, je t’aimerai toujours.

Mon cheval.
Toi qui a toujours été doux, qui a su m’apprécier comme je suis. Farceur et tendre, tu m’as joué des tours
Tu as su trouvé le sachet de carottes dans mes affaires
Tu as compris comment sortir de ton box pour embêter tout le monde
Tu as su comment prendre du temps pour te faire rattraper.
Mais tu as su aussi tout donner en concours, travailler de tout ton cœur, progresser à une vitesse incroyable.

Je te brosse, puis te selle.
Je suis anxieuse, pas toi.
Habituellement, c’est le cavalier qui transmet les choses à son cheval.
Nous, c’est l’inverse.
Tu es serein, tout ceci ne t’impressionne pas.

Mon cheval.
Tu me transmets ton calme, ta sérénité.
Tu es immobile dans ce box, attendant patiemment que je refasse tes derniers boudins dans ta crinière, que je te prépare, que notre tour arrive.
Tu es calme maintenant, mais je sais que dès que tu verras un obstacle, tu seras heureux de sauter une nouvelle fois, et tu iras de l’avant comme jamais.

Nous entrons dans le paddock pour la détente.
Les cavaliers passent autour de nous, la carrière de détente est surpeuplée de cavaliers, sur ou à côté de leur monture, sautant ou simplement galopant, se préparant tous pour cette finale que chacun espère gagner.

Mon cheval.
Je te monte dessus, tu es toujours aussi calme.
Je regarde les autres cavaliers, et je me dis que nous formons quand même un beau couple.
Chacun à l’écoute de l’autre. Chacun ayant confiance en l’autre.
Lorsque nous sautons, nous ne faisons plus qu’un.
Un couple qui s’équilibre et se compense.
Chacun rattrape les erreurs de l’autre.

L’entraîneur hurle, il est temps de sauter quelques obstacles, c’est bientôt notre tour.
Une croix pour commencer.
Un droit de 1 m, puis un oxer.
Un droit de 1,20m, puis un oxer.
Puis on enchaîne droit - oxer.
Nous ne sommes plus qu’un.

Mon cheval.
Notre langage est autre.
Tes oreilles sont tournées vers moi entre les obstacles, vers les obstacles à l’abord et pendant le saut.
Tu m’écoutes, tu comprends mes paroles.
Tu m’écoutes, tu comprends mes gestes.
Tu m’écoutes, tu comprends mes sentiments.
Lorsque j’étais triste, tu le sentais et venait me souffler dans le cou, comme pour me réconforter.
Lorsque j’étais heureuse, tu avais envie de jouer et de t’amuser.
Lorsque j’étais fatiguée enfin, tu étais simplement calme et à l’écoute.

C’est notre tour.
Un parcours de 12 obstacles, avec un triple au numéro 5, et un double au numéro 10.
Des obstacles entre 1,10m et 1,25m.
Toi, tu aimes la hauteur, les obstacles bas ne t’intéressent pas, tu t’ennuies.
Tu es joyeux, mais reste serein.
Moi, je suis anxieuse.

Mon cheval.
Tu es arrivé dans mon club tu avais 4 ans.
Encore jeune et fougueux, je suis tombée amoureuse de toi.
Ton poil brillant, tes yeux doux, ta gentillesse.
Tu étais sauvage avec les autres, mais tu te calmais dès mon approche.
Déjà jeune, tu aimais sauter.
Déjà jeune, tu étais calme et serein.
Déjà jeune, nous deux étions fait l’un pour l’autre.
La destinée.

Nous partons sur le premier obstacle.
Ton galop est souple et cadencé.
Ce premier obstacle est un jeu d’enfant, les suivants aussi.
Celle qui ne doit pas faire d’erreur, c’est moi.
Attend le saut, ne précède pas.
Les paroles du coach résonnent dans ma tête à chaque obstacle.

Mon cheval.
Tu es plus qu’un simple cheval pour moi.
Tu es un ami, une destinée, presque un amant.
Car mes différents petits amis ont tous été jaloux de toi.
Je te dévoue des heures entières, au détriment d’eux.
Ils ne peuvent pas comprendre mon amour pour toi.
Eux me quittent, toi tu ne me quitteras qu’à ta mort.
Car entre nous, oui, c’est à la vie à la mort.

Le triple se présente devant nous.
Deux foulées entre le premier et le deuxième obstacle.
On pourrait en mettre trois, mais tu as l’impulsion pour deux.
Puis une autre encore entre le deuxième et le troisième obstacle.
Je te fais bien avancer à l’abord, et tiens ta tête haute.
L’obstacle est regardant, mais au contraire de d’habitude, tu ne t’en soucies pas.
Tu voles aussi dessus de ce triple comme si ce n’était qu’une formalité pour toi.

Mon cheval.
Mon confident, mon meilleur ami, mon amour de ma vie.
Tu es tout à la fois, et plus encore.
Lorsque je suis à tes côtés, tous mes soucis partent en fumée.
Tu es mon remède face à la vie.
Lors des moments durs, tu es le seul à m’écouter, à me comprendre, à être à mes côtés.
Lorsque je suis avec toi, plus rien n’a plus d’importance.
Il y a juste toi et moi. Il y a juste nous.

Nous nous présentons à l’obstacle 6, puis le 7...Les obstacles s’enchaînent.
Nous n’avons fait aucune faute.
Il faut continuer, ne pas relâcher l’effort.
Nous voilà face au numéro 10, le double.
Oxer puis droit. La barre tombe facilement sur le deuxième.
Un droit en sorti de double.
Pour forcer le cavalier à garder son cheval en équilibre entre les deux obstacles.
Le coach nous l’a répété maintes fois, et nous l’a fait répéter maintes fois.
On maitrise, mais le doute est toujours de mise.
On ne sait jamais ce qui peut arriver en compétition.

Mon cheval.
Il faut tenir la distance et continuer, toujours.
A la vie à la mort, pour toujours et à jamais.
Notre parcours n’est jamais fini.
Nous pouvons toujours progresser, nous pouvons toujours faire mieux.
Un jour peut-être, nous pourrons même atteindre des sommets.
Le travail est la clé.
Tu le sais, je le sais, nous le savons.

Premier obstacle du double, une foulée, deuxième obstacle du double.
J’ai un peu précédé sur le deuxième, emportée par mon élan.
Mais tu me sauves la mise, forces sur ta battue, et passe fort ton dos.
Tu frôles la barre, elle tremble mais ne tombe pas.
Ouf.
Le parcours n’est pas fini.
Il nous reste deux efforts.
Le 11, un oxer énorme de 1,25m par 1,25m.
Puis le 12, un droit de 1,15m.

Mon cheval.
Tu es un être généreux, un être indomptable qui a su m’adopter.
Nous nous apaisons mutuellement.
Nos débuts n’ont pas été faciles, mais tu as toujours donné du tien.
Tu avais peur parfois, je te rassurais.
Lorsque moi je me faisais peur après une mauvaise chute, tu me rassurais par ton calme et tes sauts parfaits.
Des débuts difficiles, nous formons maintenant un couple parfait.
Personne n’y croyait, tous n’en reviennent pas.

Nous voici à l’abord du numéro 11.
Je te pousse et garde ta tête haute, toujours.
Tu forces un peu, mais seulement un peu.
Finalement, celui-ci aussi était simple comme bonjour pour toi.
Dernier tournant à gauche, je te pousse, car nous sommes toujours sans faute.
Nous sommes peut-être dans un bon temps, ne rien gâcher.
Nous voilà sur le dernier, je te redresse un peu.
Le numéro 12, un droit d’1,15m.
Une banalité pour toi.
Mais il ne faut pas relâcher, jamais, pas avant la ligne d’arrivée.
Je te redresse, te remet en équilibre à l’abord, pour un ultime saut.
Tu passes 10cm au dessus, comme si tu avais compris que c’était le dernier.
Je te pousses à fond, et nous passons la ligne d’arrivée dans un galop effréné.

Tes poils, tes crins, ton odeur...
Lorsque je suis loin de toi, je les respire encore, nostalgique.
Tu es ma bouffée d’air frais, mon oxygène.
Ma vie serait entièrement consacrée à toi, si je le pouvais.
Une éternité ne serait pas assez pour vivre le bonheur que je ressens auprès de toi.
Plus de problème, plus de soucis, juste le bonheur.
Tu es maintenant habitué à mon sifflement lorsque j’arrive.
Je siffle, et tu sors la tête de ton box en hennissant.
Comme j’ai rêvé ce moment.
Depuis toujours.

Nous repassons au trot.
Je lève les yeux, et entends la voix du jury :
« parcours sans faute, en un temps de 1minute et 12 secondes, le meilleur temps, ce qui place notre cavalière en tête du classement. »
Je suis avant dernière à passer.
Un seul cavalier me sépare de la consécration.
Il entre sur la carrière lorsque j’en sors.
Il me regarde avec appréhension : il faut qu’il fasse mieux.

Mon cheval.
D’autres cavalières ont bien essayé de te voler à moi.Mais tu t’es chargé de les remettre en place.
Refus sur les obstacles.
Folies dans les carrés de dressage.
Oreilles en arrière lorsqu’elles entraient dans le box...
Tu leur as tout fait.
Il n’y a qu’à moi que tu as donné ta confiance.
Gare à celle qui osait me la voler.

Le cavalier suivant entre, et tente le tout pour le tout.
Virages courts, grandes galopades.
Il passe le triple non sans mal, mais sans pénalité.
J’ai peur.
Puis le double. Toujours sans pénalité.
J’ai peur.
Son chrono est d’enfer.
Enfin l’obstacle final, le 12.
Le dernier.
J’ai peur.
Il laisse un peu le cheval aller à l’abord, c’est la barre.
Une pénalité.
Je suis championne.
Joie, bonheur, pleurs.
Tous m’enlacent et me félicitent.
Comme j’ai rêvé de ce moment, depuis toujours.

Mon cheval.
Pour toujours et à jamais.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Je sais pas s'il y a beaucoup de cavaliers dans tes lecteurs. Alors je suis pas sûre que beaucoup vont comprendre à quel point c'est important.

En tout cas, j'ai beaucoup aimé ton texte. Et je suis super émue.

Merci de montrer à tous ce que peu de gens savent : un cheval, quand on l'aime, c'est un ami indéfectible.

anyia a dit…

@ crevette : d'façon y sont bêtes...

En tout cas, personne ne commente, je sais pas ce que je dois en tirer comme conclusion!!!

Anonyme a dit…

Si, si, je commente !

comme j'ai un peu cavalcadé dans mon jeune temps, il me reste quelques notions.

Par contre, je n'avais jamais fait attention au changement de position des oreilles entre et sur les obstacles. (et ne réponds pas que c'est parce qu'on a un moins bon champ de vision de par-terre)

Belle exercice en tout cas et beau courage de livrer ça au commun de lecteur. Juste une question : c'est du vécu ou pas ? C'est assez bien tourner pour qu'on se pose la question, en tout cas.

Anonyme a dit…

... Et ne prends pas une enveloppe pré-timbrée, ça serait gâcher des sous pour rien...

anyia a dit…

@ nakito : pas compris le coup de l'enveloppe...
Sinon, c'est du vécu oui et non. Je n'ai jamais eu de cheval, je suis sortie en concours mais jamais en grands concours officiels, mais j'ai fait des bons résultats quelques fois en concours interne et ai finit première quelques fois aussi. Avec toujours le stress que le mec derrière toi te passe devant.
par contre j'ai toujours eu un cheval que j'aime d'amour =)
Donc c'est du vécu oui et non, c'est romancé quoi.

Anonyme a dit…

@ Anyia : ...l'enveloppe avec laquelle tu vas te suicider !

Désolé de lire ton blog-it, on m'y reprendra, tiens. Pour la peine, va mourir, va te pendre avec ton chouchou.

anyia a dit…

@ nakito : nan mais j'ai trop de mal moi aujourd'hui. Depuis ce matin je suis grave lente pour comprendre. Pas comme d'hab, hein, PIRE.

Anonyme a dit…

Le plus beau texte que je n'ai jamais lu de toute ma vie, Anyia je crois que je suis amoureux

anyia a dit…

@ Don : c'est pas drôle de se moquer!